Me Emmanuel FOTSO – Avocat au Barreau de Paris

L’organisation des assemblées générales annuelles de SARL en Afrique Francophone

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Les assemblées générales dans les sociétés à responsabilité limitée (SARL) implantées dans un des 17 Pays de l’espace OHADA (Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Centrafrique, Congo, Comores, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée, Guinée équatoriale, Guinée Bissau, Mali, Niger, Sénégal, République démocratique du Congo, Tchad, Togo)  sont organisées par les articles 333 et suivants de l’acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du GIE (AUDSCGIE).

L’assemblée générale ordinaire a pour mission de statuer sur les états financiers de synthèse de l’exercice écoulé, autoriser la gérance à effectuer les opérations pour lesquelles les statuts imposent l’accord préalable des associés, nommer et remplacer le gérant, nommer et remplacer le commissaire aux comptes, approuver les conventions réglementées et statuer sur toute autre question qui n’entraient pas modification des statuts.

1) Périodicité de tenue des assemblées générales ordinaires

L’assemblée générale ordinaire peut se réunir à tout moment pour statuer sur une question relevant de sa compétence (par exemple le remplacement du gérant).

Cependant, elle doit obligatoirement se réunir au moins une fois par an pour approuver les comptes de l’exercice précédent. On parle alors d’assemblée générale annuelle ou d’assemblée générale ordinaire annuelle.

L’AUDSCGIE prévoit que cette assemblée générale annuelle doit se tenir dans les 6 mois qui suivent la clôture de l’exercice social.  Mais aucune disposition ne prévoyant de sanctions civiles spécifiques en cas de non-respect du délai de six mois, les assemblées tenues après l’expiration de ce délai sont valables[1].

En revanche, le ou les gérants engagent leur responsabilité et sont susceptibles d’être révoqués pour justes motifs.

2) Mode de consultation des associés

En principe, les décisions collectives sont prises en assemblée générale (art. 333). Les associés doivent donc nécessairement se réunir physiquement en assemblée pour délibérer.

Par exception, les statuts peuvent prévoir que les décisions collectives ou certaines d’entre elles peuvent être prises par consultation écrite des associés. Dans ce cas, les associés votent par correspondance. Tous les documents nécessaires à l’information des associés ainsi que le texte des résolutions proposées leur sont envoyés au moins 15 jours avant le jour de la consultation. Les associés auront ainsi 15 jours pour émettre leur vote et faire parvenir celui-ci à la gérance.

À noter que la consultation écrite est interdite pour l’assemblée générale annuelle. Ce type d’assemblée doit donc nécessairement se tenir en présence physique des associés ou de leurs représentants. Il ne sera donc pas possible, pour un associé de voter par correspondance à une assemblée générale annuelle. Toute clause contraire est nulle (art. 333). La consultation écrite est également exclue lorsque la réunion de l’assemblée est exigée par des associés (art. 337), ou est convoquée par le commissaire aux comptes ou par un mandataire ad’ hoc désigné par voie judiciaire (art 337).

3) Convocation de l’assemblée

La convocation de l’assemblée relève des attributions du gérant. Ce dernier doit adresser une convocation aux associés. Lorsqu’il existe un commissaire aux comptes, ce dernier doit également être convoqué.

Il peut cependant arriver que pour des raisons variées souvent liées à une mauvaise gestion, un gérant soit peu enclin à affronter les associés au cours d’une assemblée générale où il sera amené à s’expliquer.  Il peut alors être tenté de se soustraire à son obligation de convoquer l’assemblée générale.

L’AUDSCGIE offre dans ce cas la possibilité à tout associé de demander en justice la désignation d’un mandataire ad hoc chargé de convoquer l’assemblée et de fixer son ordre du jour. La procédure de désignation du mandataire est une procédure contradictoire qui ne peut se faire sans qu’il n’y ait un débat contradictoire entre les associés (T. com. Lomé, Jug. n°11/2021, 28 janvier 2021).

Le commissaire aux comptes peut également convoquer l’assemblée générale lorsqu’il a vainement requis cette convocation de la part du gérant.

Les modalités de convocation des assemblées générales dans les SARL sont définies par les articles 337 et 338 de l’AUDSCGIE. Selon ces dispositions, les associés sont convoqués aux assemblées par le gérant quinze (15) jours au moins avant la réunion de l’assemblée par lettre au porteur contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, télécopie ou courrier électronique.

La convocation doit indiquer la date, lieu et l’ordre du jour de la réunion (art. 338 AUDSCGIE).

En outre, lorsqu’il s’agit d’une assemblée générale annuelle, le gérant doit communiquer aux associés, au moins 15 jours avant l’assemblée, les documents suivants (Art. 345 AUDSCGIE) :

À compter de la date de communication de ces documents, tout associé a le droit de poser par écrit des questions auxquelles le gérant est tenu de répondre au cours de l’assemblée.

La loi prévoit que toute délibération prise en violation des dispositions relatives à la communication des documents peut être annulée.

Le gérant prendra le plus grand soin à transmettre aux associés l’ensemble des documents qui leur permettent de voter de manière éclairée et éviter toute contestation de la régularité des délibérations de l’assemblée générale.  

 Il peut notamment arriver que le gérant communique par exemple les comptes de résultat ainsi que le bilan et ne communique le tableau des flux de trésorerie et les notes annexes. Les états financiers annuels formant un tout indissociable au sens de la loi, la communication partielle pourrait être analysée comme une non-communication et entrainer l’annulation de l’assemblée générale. 

4) Représentation et assistance des associés en assemblée générale

L’article 334 de l’AUDSCGIE autorise un associé à se faire représenter uniquement par son conjoint. En dehors du conjoint, un associé ne peut se faire représenter par une autre personne que si les statuts l’autorisent.

En dehors de ces hypothèses, la société peut refuser l’accès à l’AG à tout tiers y compris un avocat ou même huissier qui se présenterait avec le mandat d’un associé.

Par ailleurs, la loi n’a pas prévu de dispositions concernant l’assistance d’un associé par un avocat. Dès lors, les tribunaux considèrent que la solution est dictée là aussi par les statuts. En l’absence de prévisions statutaires sur ce point, la société peut refuser l’accès à l’Assemblée Générale à toute personne y compris un avocat dont un associé aurait sollicité l’assistance.

La seule circonstance où les tribunaux admettent l’obligation pour la société de permettre l’accès de l’AG à l’avocat d’un associé est l’hypothèse où ledit avocat est autorisé par décision judiciaire à assister l’associé pendant l’AG.

5) Tenue de l’assemblée générale

L’assemblée générale est présidée par le gérant lorsque celui-ci est associé (art. 341 AUDSCGIE). Si le gérant n’est pas associé, l’AG est présidée par l’associé majoritaire. Aucune disposition légale n’impose la désignation d’un secrétaire de séance.

L’assemblée générale ne peut délibérer que sur les questions inscrites à l’ordre du jour, à moins qu’il ne s’agisse de la question de la révocation du gérant.

La loyauté voudrait que l’ordre du jour soit fixé dans la convocation afin que les associés ne soient pas surpris au jour de l’AG. Inversement, les associés ne peuvent surprendre le gérant en exigeant une modification de l’ordre du jour séance tenante. C’est pourquoi la loi prévoit que l’AG ne peut délibérer sur une question qui n’est pas inscrite à son ordre du jour (art. 338-1 AUDSCGIE).

Le gérant veillera à respecter scrupuleusement cette règle puisque la sanction légale est l’annulation des délibérations litigieuses (Art. 338-1 de l’AUDSCGIE). S’il arrive qu’une question essentielle a été omisse dans l’ordre du jour envoyé aux associés, la solution appropriée serait, soit d’émettre une nouvelle convocation avec un ordre de jour corrigé, ce qui pourrait impliquer de repousser la date de tenue de l’assemblée générale ; soit de convoquer une nouvelle assemblée générale sur un nouvel ordre du jour pour traiter des questions omises.  

A l’issue de l’assemblée générale, un procès-verbal sera dressé. En effet, Les délibérations des assemblées sont constatées par des procès-verbaux qui indiquent la date et le lieu de réunion, les nom et prénoms des associés présents, les documents et rapports soumis à discussion, un résumé des débats, le texte des résolutions mises aux voix et le résultat des votes. Le procès-verbal doit être signé par chacun des associés présents.

On constate souvent des procès-verbaux qui ne font pas état d’un résumé des débats. Cette pratique doit être proscrite même si aucune disposition légale ne sanctionne pas de nullité une telle omission.

La durée des réunions de l’assemblée générale n’est pas règlementée. Dès lors que l’ensemble des points inscrits à l’ordre du jour a été épuisé, l’assemblée générale peut prendre fin.

Le Procès-verbal doit être signé par chacun des associés présents. À la fin de la réunion ou dans les jours suivants l’AG, le gérant soumettra donc le PV à la signature des associés. Il peut cependant arriver que pour des raisons diverses, un associé refuse de signer le PV. Ce refus ne devrait pas entacher la validité du PV. Il suffira de faire mention du refus de signature dans le PV, lequel fait foi jusqu’à inscription de faux.

Le gérant pourrait ensuite délivrer aux associés une copie certifiée conforme du procès-verbal.

6) Modalités de vote en assemblée

Les décisions sont adoptées par un ou plusieurs associés représentant plus de la moitié du capital. Il ne s’agit donc pas d’une majorité d’associés mais d’une majorité de parts sociales. Un seul associé détenant 80% des parts sociales pourrait donc à lui seul faire voter des décisions même si les autres associés, représentant 20% étaient contre, peu important leur nombre.

Cette superpuissance de l’actionnaire majoritaire a cependant des limites. Lorsqu’il a conclu une convention règlementée avec la société, il ne prend pas part au vote de la délibération relative à la convention et ses voix ne sont pas prises en compte pour le calcul de la majorité (art. 354). Les minoritaires ont parfois là l’occasion de rejeter des conventions abusives conclues par le majoritaire, même si le rejet est sans effet sur la validité de la convention.

 

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[1] A titre de droit comparé, il été a refusé de prononcer la nullité d’une assemblée amenée à statuer sur les comptes de quatre exercices consécutifs dès lors que cette assemblée s’était tenue régulièrement (CA Paris, 10 mai 1984 : BRDA 1984, n° 12, p. 15).

[2] Entités dont le chiffre d’affaires annuel HT excède 60 millions. En déça de ce seuil, l’entité relève du système minimal de trésorerie (art. 13 AUC).


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