Le régime juridique des offres d’emploi et les mensonges dans le CV

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La procédure de recrutement d’un nouveau collaborateur en entreprise commence bien par une offre d’emploi qui est faite à l’initiative de l’employeur, ensuite vient l’entretien, avant la conclusion éventuelle du contrat de travail qui peut être précédée d’une promesse d’embauche.

I. L’offre d’emploi

Même si elle est très peu encadrée par la loi, l’article L1132-1 du Code du travail pose comme principe qu’aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement en raison de l’un des motifs suivants : son origine, son sexe, ses mœurs, son orientation ou identité sexuelle, son âge, sa situation de famille ou son état de grossesse, ses caractéristiques génétiques, son appartenance ou sa non appartenance vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race, ses opinions politiques, ses activités syndicales, ses conviction religieuses, son apparence physique, son nom de famille, son état de santé ou de handicap.

La prise en compte de telles considérations est constitutive de discrimination à l’embauche et les juges n’hésitent pas à la sanctionner (voir notamment Cass. soc., 31 janv. 2012, JCP S 2012, 1120). Par exemple, les mentions suivantes sont regardées comme discriminatoires et sont par conséquent prohibées : Recherche personne de « type européen », « de type musulman », « de nationalité française », « âgé de moins de 30 ans », « marié », « sans enfant », « en bonne santé », etc.

Tout candidat écarté de la procédure de recrutement, notamment par le biais d’une annonce comportant un élément discriminatoire, peut solliciter des dommages-intérêt en réparation du préjudice subi. La compétence du juge des prud’hommes pour connaitre d’une telle action a pu être discutée, étant donné que le candidat à l’emploi n’est pas encore lié à l’employeur par un contrat de travail, ni même par une promesse d’embauche. Depuis un arrêt de 2006, la Cour de cassation admet la compétence du Conseil des prud’hommes (Cass. soc., 20 décembre 2006, n°06-40.662). L’action en réparation peut être dirigée aussi bien contre l’employeur lui-même que contre toute autre personne ayant diffusé l’annonce (société de recrutement, agence d’intérim, site internet, etc.). En outre, la discrimination étant un délit pénal, l’employeur encourt les peines de l’article 225-2 du Code pénal à savoir une peine d’emprisonnement de 3 ans et une amende de 45 000 Euros.

Le Code du travail autorise cependant qu’il soit fait référence à l’un des motifs prohibés lorsque cela est justifié par une exigence professionnelle essentielle et déterminante et que l’objectif soit légitime et proportionné (art. L1133-1). On peut donc imaginer par exemple que le sexe soit considéré comme déterminant pour le recrutement d’un mannequin. Il reviendra à l’employeur de prouver que le recours à un motif discriminatoire est justifié par une exigence professionnelle essentielle.

II. Les mensonges dans le CV

  • Article 1221-6 code du travail:Le candidat à un emploi est tenu de répondre de bonne foi aux informations qui lui sont demandées par l’employeur. Les questions doivent toutefois avoir un lien avec le poste en question.
  • Mais dans le souci d’embellir un peu leur candidature et augmenter leurs chances de se faire recruter, il est de plus en plus courant que les candidats portent dans leur CV des informations erronées notamment sur leurs diplômes ou expériences professionnelles. De telles manœuvres exercées par une personne pour amener l’autre à contracter sont dites « dolosives ».
  • Article 1130 Code civil: Le dol vicie le consentement lorsqu’il est de telle nature que, sans lui, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.
  • L’employeur, qui se rend compte plus tard avoir été induit en erreur peut donc remettre en cause la validité du contrat de travail en en demandant la nullité. Il peut aussi opter, non pas pour la nullité du contrat de travail, mais pour le licenciement du salarié.

Les sanctions possibles en cas de mensonges dans le CV sont : la nullité et licenciement

La nullité du contrat de travail pour dol

La nullité du contrat de travail est exceptionnellement prononcée par les juges. Ces derniers exigent que deux conditions soient réunies :

  • L’employeur doit rapporter la preuve des manœuvres frauduleuses du salarié. L’employeur peut par exemple se renseigner auprès de l’école qui a prétendument délivré le diplôme dont se prévaut le salarié et découvrir la supercherie. Mais la jurisprudence se refuse de voir dans de simples mentions imprécises et susceptibles de plusieurs interprétations une manœuvre frauduleuse ( Cass. soc. 16 fév. 1999, n°96-45565).
  • L’employeur doit démontrer que sans cette manœuvre, il n’aurait pas contracté avec le candidat. Les juges ont ainsi annulé le contrat de travail d’un salarié qui, pour se faire recruter comme enseignant, avait prétendu être titulaire d’un DESS, laquelle information avait été déterminante pour son recrutement ( Cass. soc. 17 oct. 1995, n°94-41239).

Le licenciement du salarié

Article L1232-1 code du travail : tout licenciement doit être motivé par une cause réelle et sérieuse. En application de ce texte la jurisprudence juge que « La fourniture de renseignements inexacts par le salarié lors de l’embauche (…) ne constitue une faute susceptible de justifier le licenciement que s’il est avéré que le salarié n’avait pas les compétences effectives pour exercer les fonctions pour lesquelles il a été recruté » (Cass. soc. 30 mars 1999, n°96-42912).

Me Emmanuel FOTSO
Avocat à la Cour


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