Droit des étrangers : ce que prévoit le projet de loi immigration

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Le Gouvernement a soumis au Sénat, le 1er février 2023, un Projet de loi pour contrôler l’immigration et améliorer l’intégration. Le projet a été voté par le Sénat le 14 novembre 2023 et est actuellement soumis à l’Assemblée nationale qui peut encore lui apporter des amendements.

De nombreux clients du cabinet, ressortissants étrangers, s’interrogent sur les orientations et principales mesures de ce projet de loi.

La présente note vise à apporter la lumière sur ces interrogations.

Il convient toutefois de noter que ces mesures ne sont, en l’état actuel, que des projets. Elles sont donc susceptibles d’être modifiées à l’issue des travaux parlementaires.

Sous cette réserve, voici les principales mesures prévues par le projet tel qu’il a été voté par le Sénat le 14 novembre 2023 :

 1) Durcissement des conditions du regroupement familial

  • Le projet prévoit de porter de 18 à 24 mois la condition de séjour exigée pour qu’un étranger résidant en France puisse formuler une demande de regroupement familial pour l’un de ses proches ;
  • Il impose au demandeur d’un regroupement familial de disposer d’une assurance maladie pour lui et sa famille ;
  • Le projet ajoute une condition de « régularité » des ressources financières pour pouvoir formuler une demande de regroupement familial. Il ne suffira donc plus simplement de justifier des ressources stables et suffisantes comme c’est le cas actuellement.
  • Le projet prévoit que l’autorisation de séjourner en France au titre du regroupement familial sera délivrée à l’étranger à condition qu’il justifie au préalable, donc dans son pays d’origine, d’un niveau de langue au niveau A1 ;
  • Le projet renverse le sens de la présomption lorsque le maire de la commune de résidence de l’étranger ou le maire de la commune où il envisage de s’établir n’a pas rendu d’avis dans un délai de deux mois sur la satisfaction des conditions de ressources et de logement. En l’état actuel du droit, cet avis est réputé favorable. Le projet prévoit que le silence du maire vaut désormais avis défavorable ;
  • Le projet permet à l’OFII de demander au maire de la commune concernée la réalisation d’une visite sur place lorsque l’instruction fait apparaître des éléments « de nature à faire suspecter le caractère frauduleux de la demande ou l’existence de fausses déclarations».

2) Durcissement des conditions de délivrance de titre de séjour en qualité de conjoint de français

  • Exigence des ressources et d’un logement convenable pour les conjoints de français

Pour obtenir un titre de séjour en qualité de conjoint de français, la législation actuelle prévoit que l’étranger doit respecter la condition de communauté de vie avec le ressortissant français (art. L423-1 du CESEDA). Le projet de loi prévoit désormais plusieurs autres conditions : L’étranger conjoint de français doit justifier de ressources stables, régulières et suffisantes. Il doit disposer ou disposera à la date de son arrivée en France d’un logement considéré comme normal pour un ménage sans enfant ou deux personnes, vivant dans la même région géographique. Il doit disposer d’une assurance maladie. Selon le projet, le simple fait d’être marié à un français ne suffira donc plus pour prétendre à un titre de séjour en qualité de conjoint de français. Encore faudrait-il justifier des ressources suffisantes et d’un logement convenable.

  • Allongement de la durée de mariage pour prétendre à la carte de 10 ans

Les conjoints de français peuvent prétendre à une carte de 10 ans après trois ans de mariage (art. L423-6 du CESEDA). Le projet porte ce délai à 5 ans.

3) Titre de séjour maladie désormais conditionné par l’absence de traitement médical dans le pays d’origine

  • Le projet de loi modifie le critère d’octroi d’un titre de séjour maladie pour le rendre plus restrictif. Jusqu’ici le critère est le défaut d’accès effectif aux soins dans le pays d’origine. Le critère prévu par le projet est l’absence de traitement dans le pays d’origine. Peu importe donc si le traitement est couteux ou difficile d’accès pour l’étranger, il suffira désormais que le traitement soit disponible dans son pays d’origine de l’étranger pour que la carte de séjour pour soins médicaux lui soit refusée ;
  • Le projet prévoit que le traitement offert au patient concerné ne sera désormais plus pris en charge par l’assurance maladie;
  • Le projet autorise désormais les médecins de l’OFII à demander les informations médicales nécessaires à l’accomplissement de leur mission aux professionnels de santé qui en disposent sans l’accord de l’étranger.

4) L’aide médicale d’État désormais limitée aux situations les plus urgentes

  • Le projet remplace l’aide médicale d’État (AME), qui est aujourd’hui accessible aux étrangers en situation irrégulière présents sur le territoire depuis plus de trois mois et sous condition de ressource, par une aide médicale d’urgence (AMU) qui sera désormais centrée sur la prise en charge des situations les plus graves et sous réserve du paiement d’un droit de timbre ;
  • Le texte prévoit que les dépenses d’aide médicale d’urgence sont prises en charge par l’État mais que les prestations prises en charge par l’aide médicale d’urgence peuvent être recouvrées auprès des personnes tenues à l’obligation alimentaire à l’égard des bénéficiaires de cette aide (les parents par exemple), les demandeurs de l’aide médicale d’urgence étant informés du recouvrement possible, auprès des personnes tenues à l’obligation alimentaire à leur égard, des prestations prises en charge par l’aide médicale.

5) Suppression de la réduction des tarifs de transports pour les bénéficiaires de l’AME

L’article L. 1113-1 du code des transports impose aux autorités organisatrices d’accorder des réductions tarifaires, d’au moins 50 %, sur leurs titres de transport aux personnes bénéficiant d’aides sociales. Les étrangers en situation irrégulières, bénéficiaires de l’AME, sont également éligibles à cette réduction tarifaire. Mais le projet prévoit de supprimer ladite réduction. Il prévoit notamment que les personnes ne résidant pas sur le territoire français de manière régulière au regard de la législation sur le séjour des étrangers en France ne peuvent bénéficier de la réduction tarifaire des transports.

6) Les mesures concernant les étudiants

  • Contrôle annuel du caractère réel et sérieux des études des bénéficiaires d’un Titre de séjour pluriannuel étudiant

Le projet impose aux étudiants bénéficiaires d’une carte de séjour pluriannuelle de transmettre annuellement à la préfecture les éléments attestant du caractère réel et sérieux de leurs études (attestation d’inscription, relevés de notes etc.), ce qui permettra ainsi de confirmer la validité de leur titre de séjour. Les étudiants qui ne se conformeront pas à cette obligation s’exposeront, selon le projet de loi, au retrait de leur titre de séjour.

  • Obligation de dépôt d’une caution retour pour les étudiants étrangers

Le projet prévoit que les étudiants étrangers sollicitant la première délivrance d’un titre de séjour pour études devront désormais verser une caution retour. Selon le projet, la caution serait restituée en cas de départ volontaire ou d’obtention d’un nouveau titre de séjour. En revanche, la caution serait définitivement retenue en cas d’inexécution d’une OQTF.

7) Allègement de l’instruction des demandes de titres de séjour (instruction à 360°)

Pour limiter le nombre de passages en préfecture et éviter que l’administration n’ait à se prononcer successivement sur plusieurs demandes de titres déposées par un même étranger, le projet prévoit que dans les cas où la préfecture envisage de refuser de délivrer ou de renouveler un titre », dont la demande a été faite par l’étranger pour un motif particulier, elle devrait examiner l’ensemble des autres motifs possibles qui pourraient fonder la délivrance d’un titre de séjour.

Cette mesure viserait à désengorger non seulement les préfectures qui sont régulièrement saisies de plusieurs demandes successives mais aussi les tribunaux administratifs qui doivent faire face aux divers contentieux qui s’en suivent.

Pour obtenir plus rapidement une certitude juridique complète sur la situation d’un demandeur au regard du droit au séjour, sa situation sera donc examinée automatiquement sur l’ensemble des fondements juridiques possibles, plutôt que sur le seul fondement invoqué par l’étranger.

Le texte a donc pour objectif, selon le Gouvernement, de fixer, dès la première demande de titre de séjour, la situation juridique de l’étranger demandeur vis-à-vis de l’ensemble des cas d’attribution possible.

8) La délivrance des titres de séjour désormais conditionnée au respect des principes de la république

Le projet de loi conditionne la délivrance de tout document de séjour au respect des principes de la République. Le titre de séjour pourra être refusé ou retiré à l’étranger qui ne respecterait pas les principes de la République.

9) Restriction des conditions de naturalisation

  • S’agissant des enfants nés en France

Jusqu’ici, tout enfant né en France acquiert la nationalité française à sa majorité sous certaines conditions (art. 21-7 du Code civil).

Le projet rajoute une condition supplémentaire à la loi : en plus des conditions actuelles, l’acquisition de la nationalité ne sera désormais possible que si l’enfant en fait la demande entre l’âge de 16 ans et l’âge de 18 ans. Il devra donc désormais non seulement en faire la demande, mais aussi, présenter cette demande dans les deux ans qui précèdent leur majorité.

Le projet prévoit également que le mineur né en France ne pourra plus acquérir la nationalité française s’il a été condamné à une peine d’au moins six mois de prison.

  • S’agissant de la naturalisation par décret

La naturalisation ne peut être accordée qu’à l’étranger justifiant d’une résidence habituelle en France pendant les cinq années qui précèdent le dépôt de la demande (art. 21-17 du Code civil). Le projet fait passer cette durée à 10 ans.

  • Augmentation du droit de timbre

Le droit de timbre à acquitter pour la naturalisation passe de 55€ à 250€.

10) Sanctions pénales à l’égard des étrangers délinquants

Le projet autorise le juge judiciaire à prononcer une peine complémentaire d’interdiction du territoire français (ITF) à l’encontre de tout étranger coupable d’infractions graves (crimes, délits punis de plus de cinq ans d’emprisonnement, délits pour lesquels la possibilité d’ITF est explicitement prévue), et non plus uniquement lorsqu’une disposition spécifique le prévoit. L’ITF deviendrait ainsi une peine générale pour les délits punis de plus de cinq ans d’emprisonnement. La peine d’interdiction du territoire français implique la reconduite à la frontière du condamné, le cas échéant, à l’expiration de sa peine d’emprisonnement ou de réclusion. La durée d’ITF se compte, non plus à compter du prononcé du jugement comme c’est le cas aujourd’hui, mais à compter de la sortie effective du territoire français.

11) Signalement à Pôle Emploi et à la sécurité sociale des cas d’OQTF

Le projet prévoit que le préfet informe sans délai les organismes de sécurité sociale compétents et Pôle emploi lorsqu’il édicte une mesure d’éloignement telle que l’OQTF à l’encontre d’un étranger en situation irrégulière.

Le projet prévoit également la radiation des intéressés à l’expiration du délai de recours. Si un recours a été fait par l’étranger, la radiation sera effective dès le rejet définitif du recours contre l’OQTF.

12) L’extension à 5 ans de la durée de l’interdiction de retour sur le territoire français

Lorsqu’un étranger a fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire (OQTF), le préfet peut prononcer à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français (IRTF) lorsqu’il n’a pas satisfait à une précédente décision portant obligation de quitter le territoire français ou si son comportement constitue une menace pour l’ordre public. En l’état actuel du droit, la durée maximale de l’IRTF prononcée par le préfet est de 3 ans. Le projet prévoit de faire passer cette durée à 5 ans.

13) Interdiction du statut d’entrepreneur individuel à certains étrangers

Selon le projet, le statut d’entrepreneur individuel n’est pas accessible aux étrangers qui ne disposent pas d’un titre de séjour les autorisant à exercer sous ce statut.

14) Régularisation des sans-papiers travaillant dans les métiers à tension

Le projet prévoit à titre exceptionnel la régularisation des sans-papiers qui ont travaillé dans les métiers à tension pendant au moins 12 mois au cours des deux dernières années et qui justifient d’une période de résidence ininterrompue d’au moins trois années en France.

Les années passées en France sous le statut étudiant, de travailleur saisonnier  ou encore de demandeur d’asile, ne sont pas prises en compte pour le calcul de la durée de trois ans.

Selon le projet, le préfet appréciera l’opportunité de régularisation en prenant en compte la réalité et la nature des activités professionnelles de l’étranger, son insertion sociale et familiale, son respect de l’ordre public, son intégration à la société française et son adhésion aux modes de vie et aux valeurs de celle‑ci ainsi qu’aux principes de la République.

15) Interdiction de régularisation des étrangers entrés irrégulièrement en France

Le projet institue le délit de séjour irrégulier. Selon le projet, le fait pour tout étranger majeur de séjourner en France au-delà de la durée autorisée par son visa ou sans titre de séjour est puni de 3 750 euros d’amende. En plus, l’étranger condamné peut se voir condamné à une peine complémentaire de trois ans d’interdiction du territoire français. Ce texte marque sans doute la fin des procédures de régularisation des sans-papiers, à l’exception de ceux entrant dans la catégorie des travailleurs dans les métiers en tension. Au lieu d’être régularisés, les sans-papiers pourraient plutôt être poursuivis pénalement si le texte est adopté.

16) Le silence du procureur vaut désormais opposition à la célébration d’un mariage suspecté de fraude

Lorsqu’il existe des indices sérieux laissant présumer que le mariage envisagé est frauduleux, l’officier d’état civil saisit le procureur pour avis, lequel peut ordonner qu’il soit sursis à la célébration du mariage dans l’attente d’une enquête qu’il diligentera. Le sursis ordonné par le procureur ne peut excéder un mois. Au bout de ce délai, le procureur doit décider s’il autorise la célébration du mariage ou s’il s’y oppose.  En l’état actuel de la législation, il est prévu que le silence du procureur au bout du délai d’un mois vaut acceptation de la célébration du mariage. Le projet impartit désormais un délai de deux mois au procureur pour se prononcer et le silence gardé par le procureur pendant ce délai vaut plutôt opposition au mariage.

17) Création d’un titre de séjour au profit des victimes des conditions d’hébergement indignes

Selon le Code pénal, le fait de soumettre une personne, dont la vulnérabilité ou l’état de dépendance sont apparents ou connus de l’auteur, à des conditions d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende.

Le projet de loi considère l’étranger sans papier comme une personne vulnérable et prévoit qu’il se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention “vie privée et familiale” d’une durée d’un an s’il dépose plainte pour ces faits de soumission à des conditions d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine.

18) Durcissement des sanctions encourues en cas de reconnaissance frauduleuse de paternité

L’article L. 823-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile punit de cinq ans d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende le fait, pour toute personne, de reconnaître un enfant aux seules fins d’obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d’une protection contre l’éloignement, ou aux seules fins d’acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française. Le projet de texte fait passer le montant de l’amende à 75000€.

19) Durcissement des conditions d’ouverture des droits aux prestations sociales

Le projet conditionne l’ouverture des droits aux prestations sociales non contributives à cinq années de résidence stable et régulière. Sont concernées : les allocations familiales, la prestation de compensation du handicap, l’aide personnalisée au logement (APL) et le droit au logement opposable.

20) Impossibilité de renouveler plus de trois ans consécutifs une carte de séjour temporaire

Le projet limite à trois fois la possibilité de renouvellement d’une carte de séjour temporaire d’un an pour un même motif. L’idée, selon le projet, est d’inciter les étrangers à solliciter, au bout de trois ans, une carte de séjour pluriannuelle, laquelle sera conditionnée par la preuve d’un niveau de français suffisant et d’une connaissance de la culture française.

21) Limitation de la protection des réfugiés ou des personnes bénéficiaires de la protection subsidiaire

Tout étranger qui a perdu le bénéfice d’une protection internationale (réfugié ou protection subsidiaire) et qui séjournait en France depuis plus de 5 ans est protégé contre le retrait du titre de séjour qu’il détenait du fait de sa protection.

Le projet permet désormais de retirer le titre de séjour, même après 5 ans de séjour régulier en France, en cas de retour dans le pays d’origine après que le préfet ait préalablement examiné la situation particulière de l’étranger et notamment son droit à une vie privée et familiale en France.

N’hésitez pas à contacter le Cabinet pour toute question, difficulté ou conseil juridique relatif à votre droit au séjour.

Cabinet Maître Emmanuel FOTSO
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